Pour encourager chacun à réfléchir à son lien avec la langue française, nous avons demandé à deux de nos collaboratrices bilingues de parler de leur expérience: l'une dont la langue maternelle est le français, l'autre qui parle le français comme langue seconde. Bonne journée internationale de la Francophonie !
Géraldine Gautier: Née et élevée à Paris, je me suis établie au Canada il y a 21 ans. Quand je repense aux facteurs qui m’ont conduits à vivre ici, il y en a eu beaucoup. Sans doute l’un marquant a été d’abord mon environnement familial porté sur d’autres cultures et langues étrangères. J’habite Ottawa depuis 1999 mais j’ai fait une parenthèse de 5 ans dans la région de Toronto. Une chance car grâce à cette dernière expérience, j’ai vraiment réalisé que le bilinguisme et la Francophonie ne coulaient pas de source. Mon engagement à les préserver s’en est trouvé accru. En temps normal et dans un environnement familier, on prend beaucoup de choses pour acquises. En situation minoritaire, c’est tout le contraire. Disons que cela a été très révélateur.
Lily Polowin: Je suis québécoise anglophone, donc je parle le français comme langue seconde. Comme tous les enfants québécois anglophones, j’ai commencé mes cours de français en maternelle. Cette éducation a continué pendant 13 ans au primaire, au secondaire et au CEGEP. J’ai grandi en Outaouais et j’ai habité à Montréal pendant cinq ans. Je viens d'une famille anglophone, mais ma mère est complètement bilingue et elle a commencé à m'apprendre le français depuis que je suis toute petite.
Comment tu te sens lorsque tu travailles dans ta langue seconde?
Géraldine: Je me souviens de mes débuts au travail. De ce bilinguisme pour lequel j’étais très mal préparée, des codes sociaux et de travail que je ne maîtrisais pas. Mon impatience à vouloir tout comprendre d’un coup et la lenteur du processus. Car le cerveau ne peut pas digérer d’un coup cette multitude d’informations qui l’assaille, de ‘digérer’ ces deux langues presque simultanément. Et cela malgré toute la bonne volonté que l’on y peut mettre. Des années après, je continue à m’émerveiller de pouvoir travailler dans les deux langues, de rires de blagues propres à chaque culture, de lire certains auteurs dans leur propre langue, d’avoir le choix de choisir des mots d’une culture qui me paraît plus appropriés lorsque je veux m’exprimer.
Qu'est-ce qui te plaît le plus dans la langue et la culture françaises?
Géraldine: Son immense culture si particulière, son histoire fascinante, la beauté de la langue, ses valeurs partagées par de nombreux pays qui la parle.
Lily: J’admire la façon avec laquelle les francophones sont fiers de leur langue et se battent pour la protéger. J’adore les expressions uniquement québécoises que j’ai entendues toute ma vie, et je me réjouis d’apprendre des expressions de provenance d’autres pays francophones. J’adore la joie de vivre que possède mes voisins francophones. Je ne sais pas si j’ai raison sur ce dernière point, mais je trouve que la façon de s’exprimer en français est plus précise et plus délicate qu’en anglais.
Quels conseils donnes-tu aux gens qui apprennent le français?
Géraldine: Apprendre une nouvelle langue, c’est souvent au début l’excitation de pouvoir communiquer différemment et de prendre conscience d’un monde qui s’ouvre. Si c’est aussi s’exprimer de mieux en mieux, saisir des centaines de détails, l’apprentissage comporte son lot de frustration, souvent, à cause de la lenteur et la rigueur pour acquérir les bases; beaucoup d’étapes qui se font graduellement. Alors, un conseil, lorsque l’on bloque sur des points de grammaire ou sur tout autre point, prendre le temps de découvrir la langue autrement que ce soit par la gastronomie, le sport, la culture, la politique, etc., autant de découvertes amusantes et motivantes, sans oublier les rencontres avec des francophones.
Lily: Il faut se souvenir qu’avec chaque règle de grammaire qu’on apprend, il sera nécessaire plus tard d’apprendre comment la règle est souvent brisée. Aussi, je dirais que la meilleure façon de vraiment devenir bilingue est de travailler avec des gens qui parlent une autre langue. Même si j’ai pris 14 ans de cours de français, je ne serais pas capable de parler français si je n’avais pas commencé à parler quotidiennement au travail quand j’avais 15 ans.
Comment réagis-tu lorsque tu rencontres des versions du français différentes de celle que tu as apprise à l'école?
Géraldine: Il n’y a pas de bon ou de mauvais français à apprendre. Je n’aime pas quand les gens jaugent une langue par rapport à l’autre. C’est souvent le cas entre le québécois et le français. C’est juste que chaque langue, chaque accent raconte son histoire. On peut rire des différences gentiment mais jamais se moquer. Essayer de comprendre pourquoi on utilise certaines expressions plutôt que d’autres invite vraiment à comprendre l’autre et son univers. Les langues s’inscrivent dans un environnement contextuel fascinant et très vivant.
Lily: I love everything about Quebecois French. Some people don’t like how much slang is used and how the words are slurred, or that they use different expressions. But I find all these things adorable, charming and expressive. Maybe also because they remind me of home. Even if I was taught in school that they are a no-no! I think we need to stop assuming that one version of a language is the ‘correct’ version and that dialects are a form of bastardization. Language evolves as culture evolves and I think that’s a beautiful thing. Vive le franglais!
What is it like to work in bilingual Comms at the Federation?
Géraldine: À la Fédération, le bilinguisme est respecté. J’écris en français en général. Pour l’anglais, je n’hésite pas à demander de l’aide à mes collègues anglophones avant d’envoyer lorsque j’ai des doutes. Ils font de même pour leurs communications francophones. Cela crée un espace d’échange neutre pour trouver le bon mot ou la bonne formule, cela nous force à écouter l’autre, à être plus attentif à ce qu’il/elle essaye d’exprimer et nous rapproche à ce moment-là.
Ton film préféré pour apprendre le français?
Géraldine: Pas besoin d’un gros budget pour regarder des films en français, sur le net, YouTube, Netflix. A French doctor et He even has your eyes (Netflix).
Lily: Le film Bon Cop, Bad Cop devrait être obligatoire pour tous les gens qui apprennent le français au Canada. Nulle part ailleurs peut-on obtenir un si bon cours sur l’art de sacrer en québécois.