Maryse Bernard www.twitter.com/MaryseVictoria
Au cours des dernières années, des changements majeurs ont bouleversé la Bibliothèque et Archives Canada. Les manuscrits d’écrivains ne sont notamment plus conservés dans le même édifice où ils doivent être consultés par les chercheurs, ce qui entraîne des conséquences importantes sur le travail de ceux-ci. L’attente pour les documents dure environ une semaine.
Dans un monde d’information instantanée, ceci semble être un système désuet. Professeure de littérature au Département d’études françaises à l’Université de Concordia, Sophie Marcotte est aussi la directrice du laboratoire NT2-Concordia, un laboratoire de recherche sur la littérature et les arts hypermédiatiques. Sa conférence, «Du manuscrit au virtuel: l’exemple de Gabrielle Roy», présentée par l’Association des littératures canadiennes et québécoises, et l’Association des professeurs de français des universités et collèges canadiens, a marqué la première journée officielle du Congrès 2013. Si la conférence est indicative de ce qui nous est réservé cette année, toute une semaine nous attend.
Marcotte dirige le Groupe de recherche sur Gabrielle Roy. Elle estime que la situation qui prévaut à Bibliothèque et Archives Canada montre bien qu’il fallait réfléchir à la manière de rendre plus accessibles les archives et les manuscrits de l’écrivaine.
«Elle est considérée comme l’une des plus importantes de toute la littérature canadienne et québécoise moderne, dit Marcotte. À la fois du point de vue francophone…mais également pour toutes ses œuvres en traduction anglaise.»
De façon plus générale, Marcotte souligne qu’une réflexion de fond sur le rôle des technologies dans la recherche universitaire est impérative—pour la conservation du patrimoine culturel et littéraire du Québec et de notre pays entier. Les nouveaux réseaux de connaissances créés grâce au tout-puissant internet entraînent un renouvellement de perspective fondamental. La réalité virtuelle et celle physique sont de moins en moins binaires.
«C’est évident qu’il faut repenser nos méthodes de recherches dans tous les domaines du savoir», a déclaré Marcotte.
C’est ici qu’elle introduit son projet, HyperRoy. Le site web fournit non seulement 600 fiches analytiques de la critique sur l’œuvre de Roy, mais donne aussi accès aux écrits inédits de l’auteure. On y trouve même un index de la correspondance de la romancière.
HyperRoy est conçu comme une communauté virtuelle. L’objectif de Marcotte est de construire un espace dynamique qui rassemble les chercheurs et également les lecteurs de différents réseaux s’intéressant à l’œuvre de Roy. Le projet met en valeur la circulation libre des connaissances et la mise-à-jour régulière de celles-ci.
Ce n’est pas sans une certaine résistance du milieu de la recherche traditionnelle que des projets comme HyperRoy se développent. L’institution doute parfois de la légitimité de l’information et de la qualité des travaux de recherche publiés électroniquement.
«Il y a encore une hiérarchie dans les modes de publication, et ça vient pas mal en tout dernier dans l’échelle académique», dit Marcotte.
Malgré tout, il est impossible d’ignorer l’infiltration de la technologie dans la recherche et dans notre quotidien. On a plus besoin de dénicher les ouvrages anciens pour se renseigner sur notre histoire. Le passé se révèle instantanément grâce à un simple «click». Au lieu de résister à cette cyber-évolution, Marcotte suggère qu’on s’y adapte—qu’on en profite, même. Avec sa communauté virtuelle, elle nous ouvre la porte à une pédagogie plus inclusive et interactive. Il n’est pas question d’oublier nos traditions, mais d’une petite mise-à-jour.