Dessins inédits du temps de la Nouvelle-France

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22 mars 2013

Pendant près de 300 ans, le Codex canadensis est resté inconnu. Pourtant, le manuscrit contient des dessins qui illustrent en détail la flore et la faune de la Nouvelle-France, ainsi certains peuples autochtones.

Le voilà maintenant sorti de l’obscurité. Un nouveau livre, The Codex Canadensis and the Writings of Louis Nicolas, réunit pour la première fois le Codex illustré d’une part et l’Histoire naturelle des Indes occidentales, un récit, de l’autre. Ensemble, ils offrent un portrait jusqu’ici inédit de la vie en Nouvelle-France.

Le livre a été préparé sous la direction de François-Marc Gagnon, un spécialiste de l’art canadien, aidé de Nancy Senior et Réal Ouellet, et se mérite le Canada Prize in the humanities de la Fédération des sciences humaines pour un ouvrage en anglais.

Selon Gagnon, le Codex et l’Histoire naturelle peuvent tous les deux être considérés comme étant l’œuvre de Louis Nicolas, un Jésuite d’origine française qui séjourna au Canada entre 1664 et 1675.

Le Codex, qui est reproduit au complet dans le livre, offre à la fois un aperçu de la faune et la flore tels que vus par Nicolas, et un exemple des premiers balbutiements de l’art au Canada.

Les dessins, réalisés à la plume sur parchemin, sont un vrai mélange, explique M. Gagnon. Les dessins sont très précis – les ornithologues reconnaissent facilement les oiseaux, par exemple – mais possèdent un côté naïf. Il y a aussi un côté fantaisiste, car on y présente des animaux inventés – comme le ‘cheval marin’, avec la tête d’un cheval et le corps d’un poisson.

Néanmoins, il s’agit de la liste la plus complète de la flore et de la faune du Canada de l’époque. On trouve des descriptions par exemple de l’utilisation que faisaient les autochtones des animaux et la pharmacologie des plantes médicinales.

Nicolas, dit M. Gagnon, semble avoir été un personnage coloré. Il raconte dans ses récits qu’il a tenté de dompter deux oursons – il leur a arraché les dents et les ongles pour se protéger – et a réussi à les faire danser debout dans l’enclos de la résidence des Jésuites à Sillery. Voulant les apporter en France pour les donner en cadeau à un prince ou autre personne illustre, il abandonna le projet faute de trouver une boîte « où je pusse les renfermer aussi aisément que les petits écureuils suisses que j’eus l’honneur de présenter à Sa Majesté ».

Il raconte également son étonnement de voir un chardonneret mâle apprivoisé et prisonnier de sa cage attirer par son chant un autre chardonneret mâle, celui-là sauvage. « Ces deux oiseaux s’entrecaressaient perpétuellement se donnant le bec l’un à l’autre … Ma plume ne peut pas expliquer tout ce que j’ai vu d’admirable là-dessus », écrivit Nicolas.

M. Gagnon croit que Nicolas serait, aux yeux de ses supérieurs, allé un peu trop loin dans ses récits et suppose que l’œuvre est demeuré dans l’oubli parce que les Jésuites le voulaient ainsi.

La première mention du Codex date de 1930, et en 1949 il a été acheté par un collectionneur américain de l’Oklahoma, Thomas Gilcrease, fondateur du Gilcrease Museum, où le Codex réside toujours.

François-Marc Gagnon est professeur distingué et premier directeur de l’Institut de recherche en art canadien Gail et Stephen A. Jarilowsky de l’Université Concordia. Réal Ouellet est professeur associé au Département des littératures de l’Université Laval. Nancy Senior est professeure émérite au Department of Languages and Linguistics de l’Université de la Saskatchewan. The Codex Canadensis and the Writings of Louis Nicolas est publié par McGill-Queen’s University Press.