La résilience des Autochtones vue à travers la crosse

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22 mai 2019

À cette période de l’année, généralement la nation Cayuga se prépare pour son match annuel de la crosse. Si cet événement peut sembler anodin pour certains, comme on l’apprend dans The Creator’s Game, c’est loin d’être le cas pour de nombreuses nations autochtones pour qui ce sport est intimement lié à leur identité.

Dans son ouvrage publié chez UBC Press, l’historien de la nationalité, d’autodétermination et de souveraineté autochtones, Allan Downey brosse un portrait du rôle qu’a joué ce sport, et qu’il continue à jouer, dans la vie des Autochtones.  

Présentée sous forme de collection de textes d’archives, de témoignages et de mises en contexte, le livre permet de suivre les différents jalons qui ont marqué l’histoire de ce sport, tant sur le plan purement sportif qu’en ce qui concerne les stratégies politiques sous-jacentes.

En retraçant l’histoire de la crosse entre 1860 et 1990, M. Downey arrive à démontrer que l’histoire coloniale n’est pas au cœur de l’histoire autochtone. « L’histoire autochtone est indépendante de l’histoire coloniale. Bien que l’histoire du colonialisme soit significative et mérite qu’on en parle, elle ne définit pas, et ne définira jamais, les communautés autochtones et leurs histoires », soutient l’auteur.

Issue des communautés autochtones, la crosse a précédé le hockey à titre de sport national au Canada. « D’abord introduit par les Autochtones, les Canadiens non autochtones se sont ensuite approprié le sport de la crosse et l’ont réformé de façon à ce qu’il symbolise l’identité canadienne. Ce qui est tordu, c’est qu’à un moment donné on se servait de la crosse comme moyen d’assimilation dans les pensionnats autochtones », mentionne M. Downey avant de préciser que l’histoire ne s’arrête toutefois pas là.

Pour contrecarrer les pressions coloniales, les Autochtones se sont réapproprié ce sport et s’en sont servi pour asseoir leur statut de nation et d’autodétermination.

« Grâce à la crosse, les communautés autochtones se sont émancipées en matière de langue, de culture, de structure gouvernementale et de cérémonie », explique M. Downey qui se considère chanceux d’avoir été témoin de cette résurgence.

Fidèle à ses racines, il a d’ailleurs choisi de raconter cette histoire en utilisant l’art de la narration. « Je voulais narrer cette histoire comme cela parce que ça reflète bien davantage la façon dont les communautés autochtones racontent leurs histoires. »

Un élément qui lui tenait à cœur puisque, M. Downey estime que l’apport de ses mentors, des aînés, des universitaires et des détenteurs de savoir autochtones qui l’ont accompagné pendant la rédaction est ce sur quoi repose le livre. « Ce sont leurs histoires qui sont mises de l’avant dans ce livre. C’était un projet collaboratif et je crois que ce prix est la reconnaissance de leur engagement envers ce projet. »

D’ailleurs, celui qui destinait son livre principalement aux jeunes autochtones compte bien continuer à aller à leur rencontre. « Je voulais que ce projet constitue une forme de résurgence pour les communautés autochtones afin de contribuer au moins dans une certaine mesure à ce mouvement à travers le savoir », conclut-il.

Allan Downey est dakelh, de la nation Nak’azdli Whut’en, et professeur agrégé au sein du département d’histoire et d’études autochtones de la McMaster University. Auteur du livre The Creator’s Game (2018), M. Downey s’est récemment vu décerner une bourse Fulbright à la Columbia University, où il a poursuivi ses travaux de recherche sur l’histoire de l’identité autochtone, la souveraineté et l’autodétermination. Au-delà de ses activités de recherche et d’enseignement, il aime plus que tout travailler avec les jeunes autochtones et fait du bénévolat au sein de plusieurs collectivités et groupes jeunesse autochtones pendant l’année.

The Creator’s Game est le lauréat anglophone 2019 du Prix du Canada. Les Prix du Canada sont attribués chaque année aux meilleurs livres savants en sciences humaines et sociales ayant bénéficié du soutien financier du Prix d’auteurs pour l’édition savante (PAES). Les ouvrages des lauréats apportent une contribution exceptionnelle à la recherche, sont rédigés de façon intéressante et enrichissent la vie sociale, culturelle et intellectuelle du Canada.