Un historien et spécialiste des droits des Autochtones, Arthur J. Ray a souvent été convoqué en tant que témoin expert à des procès traitant de revendications territoriales autochtones.
Après des années de recherches et plusieurs procès, M. Ray s’est demandé si les tribunaux, avec leur modèle contradictoire, étaient l’endroit où résoudre des questions impliquant des droits des Autochtones. Ne ferait-on pas mieux de négocier?
Dans un nouveau livre qui examine comment cinq pays différents abordent la question des droits des Autochtones, M. Ray arrive à la conclusion qu’il n’y a pas un seul point d’accès à ces droits. Ce qui semble mieux fonctionner, affirme-t-il, c’est un mélange de litige et de négociation – facteurs auxquels il faut ajouter une bonne dose de sensibilisation au fait que deux groupes peuvent voir un même événement de deux perspectives très différentes.
Le livre de M. Ray, Aboriginal Rights Claims and the Making and Remaking of History (Revendications de droits autochtones et la création et révision de l’histoire), examine comment le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du Sud ont composé avec la question des droits autochtones. Le livre vient de remporter le Prix du Canada 2017 décerné par la Fédération des sciences humaines.
M. Ray affirme que chaque pays a fait face au dilemme litige/négociation. Les tribunaux, où les parties s’affrontent, ont un modèle contradictoire qui convient mal aux questions historiques, dit-il, tandis que les négociations n’aboutissent pas à tout coup.
« Ce qui en ressort, c’est qu’il faut les tribunaux et la négociation, dit-il. Un dépend de l’autre. Même si on crée une commission d’enquête, on s’aperçoit que c’est souvent les procès qui font avancer les règlements ».
Selon M. Ray, c’est le cas dans les cinq pays compris dans son étude. « Il n’y a pas un seul pays, dit-il, qui a réussi avec un modèle ou l’autre; ils ont dû travailler des deux façons ». Il ajoute que le droit et la recherche académique avancent de pair dans ce qu’il appelle un « processus circulaire cumulatif » où chacun construit sur les avancées de l’autre.
La question de perspective est importante, dit-il, autant pour les tribunaux que pour les commissions d’enquête. Toutes les parties doivent prendre conscience du fait que les autres ont une autre façon de considérer les choses. Les Autochtones se fondent sur les traditions et les récits oraux, tandis que le monde universitaire et le droit de style européen se fondent sur les documents écrits.
« Les points de vue peuvent se heurter, dit-il. Et les tribunaux ou les commissions ont souvent beaucoup de difficulté à réconcilier ces différentes perspectives ».
Par exemple, il dit que pour accommoder les traditions autochtones, les tribunaux doivent parfois laisser tomber la règle qui veut que le ouï-dire ne soit pas admissible en cour.
Il dit qu’il n’y a pas un domaine, tribunal ou commission d’enquête, qui soit meilleur qu’un autre pour accommoder les points de vue. Chacun a ses avantages et ses inconvénients.
La question des droits des Autochtones, dit-il, « force un questionnement de ce que nous acceptons de l’histoire de l’époque coloniale, car nous devons considérer, du point de vue des Autochtones, ce que les nouveaux arrivants ont fait.
« Au Canada, le point de vue autochtone n’était pas du tout considéré au début; ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est ce que le processus de revendication de droits nous a laissé en héritage. Les tribunaux canadiens ont fait avancer les choses de façon considérable ».
Arthur J. Ray est un professeur émérite d’histoire à la University of British Columbia. Aboriginal Rights Claims and the Making and Remaking of History est publié par McGill-Queen’s University Press.
Crédit photo : Michelle Blackwell.