Par Daniel Drolet
Le système parlementaire canadien est en bon état, et son opposition est en assez bonne forme, affirme un professeur que vient de compléter une importante étude du concept d’opposition au pays.
Mais David E. Smith, auteur d’Across the Aisle: Opposition in Canadian Politics, rappelle que notre système politique, comme toute bonne relation, a besoin d’entretien pour demeurer en santé.
M. Smith, auteur d’une série de livres sur le système politique canadien, vient de se voir décerner le Prix du Canada 2014 en sciences sociales de la Fédération des sciences humaines pour son plus récent ouvrage.
C’est en travaillant sur ses autres livres qu’il a découvert que très peu d’auteurs avaient exploré le thème de l’opposition, qui pourtant joue un rôle important dans notre système parlementaire. Il a décidé de combler ce vide, et son nouveau livre en est le résultat.
M. Smith affirme que le concept d’opposition au Canada est moins fort qu’auparavant.
« L’idée ne semble pas avoir beaucoup d’emprise dans la tête du public », dit-il, ajoutant qu’il a été surpris de constater à quel point le monde de l’opposition était devenu vague, surtout depuis que plusieurs partis se partagent le rôle et depuis que des nouveaux-venus, dont le Bloc québécois, la Parti de la réforme et le Nouveau parti démocratique, ont accédé au statut d’opposition officielle au cours des 20 dernières années.
Il croit que ce changement est dû à plusieurs facteurs, entre autres les aléas de la vie moderne où nous sommes sollicités de toutes parts.
« Il était un temps où le Parlement était au sommet de l’échelle, mais les gens ne voient plus la politique de la même façon », dit-il.
Il affirme que les médias, par exemple, ne parlent pas assez du travail de l’opposition au Parlement, et lorsqu’ils le font, ils parlent des personnages plutôt que des enjeux.
« En ce qui concerne le public, l’opposition existe vraiment dans l’ombre. Et il est tellement souvent question de personnages que ça me semble manquer de profondeur ».
Il affirme également que notre système politique souffre de notre tendance à vouloir régler des problèmes en créant des codes plutôt qu’en ayant des débats. Il offre en exemple la création de codes de déontologie pour régler des problèmes d’éthique.
Et pourtant l’opposition joue un rôle important dans notre système en encadrant la critique des décisions gouvernementales. En jouant ce rôle l’opposition permet d’éviter la surchauffe autour des sujets controversés et contribue ainsi à la stabilité du pays.
Il dit qu’à cet égard, notre système marche bien et offre en exemple la réaction du système au fait qu’en 1993 le Bloc québécois est devenu l’opposition officielle.
« La politique canadienne a fait preuve d’une grande acceptation, dit-il. Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête lorsque le Bloc est devenu l’opposition officielle. Nous avons composé avec la situation et les Canadiens peuvent en être fiers. Voilà pourquoi je crois que le système parlementaire joue un rôle très important. Il contribue à réduire l’intensité des émotions en partie parce qu’il permet d’encadrer le débat ».
S’il avait un conseil à donner aux chefs politiques du Canada, ce serait d’éviter d’exacerber les divisions.
« Je crois qu’il est important en politique de calmer autant que possible les ardeurs », dit-il.
David E. Smith est professeur invité distingué au Département des Sciences politiques et d’Administration publique de l’Université Ryerson à Toronto. Son livre Across the Aisle: Opposition in Canadian Politics est publié par University of Toronto Press.