Daniel Drolet
Selon Michael Asch, le moment décisif de l’histoire canadienne n’est pas la Confédération, mais le jour où le premier traité a été signé entre les colons européens et les peuples autochtones.
Il invite donc les Canadiennes et les Canadiens à repenser leur façon de concevoir l’histoire du pays, en accordant plus d’importance aux traités qui sont à la base des relations entre les habitants autochtones et non-autochtones du pays.
Un anthropologue, Asch vient de gagner le Canada Prize in the social sciences 2015 pour son livre On Being Here to Stay: Treaties and Aboriginal Rights in Canada. Le prix est attribué par la Fédération des sciences humaines.
Le livre examine la relation entre les Autochtones et non-Autochtones du Canada à partir du principe que nous sommes tous ‘là pour y rester.’
Selon M. Asch, les colons européens pouvaient en arrivant voir le Canada de deux façons : Ou bien il s’agissait d’un territoire vide où on bâtirait un monde nouveau, or bien c’était un territoire déjà occupé. Dans ce dernier cas, il faudrait arriver à une entente raisonnable permettant aux peuples de cohabiter.
« On nous raconte l’histoire du Canada comme s’il s’agissait d’un territoire vide », explique-t-il, en ajoutant que l’histoire canadienne telle qu’elle est présentée accorde plus d’importance à nos relations avec la France et l’Angleterre qu’elle n’accorde à nos relations avec les peuples autochtones.
« Je lance un appel pour qu’on repense l’histoire de ce pays, dit-il. Nous sommes ici pour y rester. Nous devons trouver une façon honorable de le faire. Car si nous n’avons pas la permission des peuples autochtones, il faudra conclure que notre présence ici n’est pas légitime ».
M. Asch, qui s’intéresse à la question des relations entre les peuples autochtones et non-autochtones du Canada depuis plusieurs années, affirme que les peuples autochtones prennent les traités au sérieux. Mais les non-Autochtones voient les choses autrement et dans l’ensemble les traités n’ont pas été respectés.
« C’est une question importante »! dit-il.
M. Asch est plutôt optimiste et affirme qu’il y a deux choses à faire pour corriger la situation.
En premier lieu, « on peut commencer par mettre en œuvre les traités en respectant l’esprit dans lequel ils ont été négociés », dit-il. Après tout, ils sanctionnent d’un point de vue légal notre présence dans ce pays.
« Si nous n’avons pas leur permission, notre présence ici n’est pas légitime, rappelle-t-il. « Dans l’ensemble, les Premières Nations le comprennent et ils ont bien voulu signer des traités avec nous ».
Deuxièmement, dit-il, les Canadiens doivent repenser leur histoire, et leur façon de l’enseigner.
« Nous n’avons pas beaucoup réfléchi sur la notion d’être ici pour y rester, dit-il. Nous pouvons commencer en changeant notre façon de voir notre histoire pour mieux comprendre l’importance des traités lorsqu’il est question de sanctionner notre présence ici. Sans un accès légitime à la terre, nous ne pouvons pas construire un pays ».
En fait, dit-il, les traités devraient être vus comme notre Grande Charte, c’est-à-dire la base sur laquelle nous fondons nos lois.
M. Asch invite tous les Canadiens et toutes les Canadiennes à lire les traités.
« Allez au-delà du texte et apprenez tout ce que vous pouvez à leur sujet, dit-il. Y compris les éléments des traités qui plaisent aux Autochtones ».
Anthropologue, Michael Asch est un professeur à l’Université de Victoria et un professeur émérite à l’Université de l’Alberta. Il est l’auteur de On Being Here to Stay: Treaties and Aboriginal Rights in Canada publié par University of Toronto Press.
Image: University of Toronto Press