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Description
Dans cet épisode, nous explorons un sujet qui a fait les grands titres au Canada au cours de la dernière année : le plafond imposé aux étudiant.e.s internationaux.ales inscrit.e.s dans nos collèges et universités, et les répercussions sur l'éducation et l'immigration.
Pour cet épisode, notre hôte Karine Morin est rejoints par Lisa Brunner, post-doctorante au Center for Migration Studies de l'université de Colombie-Britannique.
À propos de l'invitée
Lisa Brunner est chercheuse postdoctorale au Centre for Migration Studies de l'Université de la Colombie-Britannique, où elle a étudié l'éducation, la géographie et les sciences politiques. Elle est également consultante en politique publique pour Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of BC (AMSSA) et consultante canadienne agréée en matière d'immigration (RCIC) (College of Immigration and Citizenship Consultants). Elle est également membre du conseil consultatif du programme Voies vers la prospérité : Canada et coprésidente du comité permanent de l'engagement des étudiants et des jeunes chercheurs.
Plus d'informations sur la recherche postdoctorale : Dans le cadre plus large de la citoyenneté, le projet comprend des projets liés aux récits de citoyenneté, aux cérémonies de naturalisation et aux obstacles individuels et structurels à l'acquisition de la citoyenneté avec Antje Ellermann et Vince Hopkins. Le projet fait partie d'un groupe de recherche sur la citoyenneté et l'appartenance dans un monde globalisé et numérisé au sein du programme de recherche multi-institutionnel Migrant Integration in the Mid-21st Century : Bridging Divides, financé par le Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada..
Lisa Brunner dans les nouvelles
- Le Canada devrait ouvrir davantage de portes aux étudiant.e.s afghan.e.s doué.e.s, et non les fermer - Options politiques (en anglais seulement)
- Réflexions sur le premier plafond d'étudiant.e.s internationaux.ales au Canada - Critical Internationalization Studies Network (en anglais seulement)
- Une nouvelle approche « d'édugration » de la mobilité des étudiant.e.s internationaux.ales - University World News (en anglais seulement)
- Le plafond des études internationales : Comment certaines entreprises privées commercialisent des solutions technologiques et d'IA - The Conversation (en anglais seulement)
[00:00:04] Karine Morin : Bienvenue au balado Voir Grand, où nous explorons les plus grands sujets d'aujourd'hui avec les plus grandes voix du Canada. Je m'appelle Karine Morin et je suis la Présidente et cheffe de la direction de la Fédération des sciences humaines. Dans cet épisode, nous explorons un sujet qui a fait les grands titres au Canada au cours de la dernière année : le plafond imposé aux étudiant.e.s internationaux.ales inscrit.e.s dans nos collèges et universités, et les répercussions sur l'éducation et l'immigration.
[00:00:32] Lisa Brunner, post-doctorante au Center for Migration Studies de l'université de Colombie-Britannique, m'accompagne aujourd'hui pour examiner les nuances de cette politique. Bienvenue Lisa Brunner, je suis ravie d'avoir cette conversation avec vous.
[00:00:58] Lisa Brunner : Oui, merci beaucoup, et c'est vraiment un plaisir et un honneur de participer à ce balado.
[00:01:03] Karine Morin : Je voulais commencer par vous demander comment vous vous êtes intéressée à l'étude de ces questions d'immigration dans l'enseignement supérieur, en particulier dans le contexte canadien.
[00:01:14] Lisa Brunner : J'ai commencé, je crois, avec ma maîtrise, j'ai étudié les politiques de réinstallation des réfugiés avec l'aide du gouvernement canadien, en travaillant en collaboration avec Jennifer Hyndman, et c'était vraiment intéressant, mais il y avait, vous savez, certaines questions que j'ai soulevées en termes de, la réaction que les gens ont eue quand j'ai dit que j'étudiais la politique de réinstallation des réfugiés.
[00:01:37] Il y avait beaucoup de tendances, je dirais, presque salvatrices pour quelqu'un qui ne vient pas d'un milieu de réfugiés, et la façon dont j'étais perçue pour avoir fait cette recherche. Mais à l'époque, j'étais une étudiante internationale des États-Unis, beaucoup de mes ami.e.s étaient des étudiant.e.s internationaux.ales, en particulier d'Iran. La réaction à l'égard des étudiant.e.s internationaux.ales était très différente, et je pense que ce n'était pas à l'ordre du jour de la recherche, je dirais.
[00:02:01] Après ma maîtrise, j'ai commencé à travailler dans le secteur de l'établissement en enseignant aux gens comment s'installer au Canada et j'ai obtenu un emploi à l'Université Simon Fraser, où j'ai travaillé sur un programme pour les étudiant.e.s internationaux.ales de troisième cycle et j'ai appris comment être une assistante d'enseignement dans un système d'enseignement supérieur dans le contexte canadien. J'ai fini par devenir conseillère pour les étudiant.e.s internationaux.ales à l'université de Colombie-Britannique, ce que j'ai fait pendant dix ans, tout en devenant consultante réglementée en matière d'immigration au Canada.
[00:02:34] Je me considère donc comme une praticienne-chercheuse qui, je pense, a obtenu son doctorat à la suite de cette dissonance. D'une part, les complexités éthiques que je ressentais dans le système d'enseignement supérieur en tant que conseillère pour les étudiant.e.s internationaux.ales et les politiques que je voyais autour de moi, par rapport à ce que j'apprenais d'un point de vue universitaire, m'ont amenée à décider que je voulais vraiment examiner les rouages institutionnels d'une structure de pouvoir dans laquelle j'étais très impliquée. C'est ainsi que j'en suis venue à ce sujet.
[00:03:07] Karine Morin : C'est très intéressant, et j'apprécie vraiment le fait d'intégrer le point de vue des praticien.ne.s dans la recherche universitaire, ce qui, je pense, contribue à la rendre encore plus axée sur les solutions et certainement très en rapport avec nos problèmes actuels, et les étudiant.e.s internationaux.ales en 2024 ont reçu beaucoup d'attention.
[00:03:28] Mais avant d'aborder cette question, je me demandais si vous pouviez nous parler un peu de l'histoire des étudiant.e.s internationaux.ales au Canada. Selon vous, que s'est-il passé jusqu'à ce que l'on accorde soudainement une nouvelle attention aux étudiant.e.s internationaux.ales?
[00:03:47] Lisa Brunner : Oui. Honnêtement, on pourrait remonter plusieurs siècles en arrière et examiner l'histoire du colonialisme, qu'il s'agisse de l'exploitation ou du colonialisme de peuplement. Je pense que récemment, au cours des deux dernières décennies, c'est dans les années 1970, au début des années 1980, que les étudiant.e.s internationaux.ales ont été considéré.e.s pour la première fois comme ne méritant pas le soutien des contribuables pour l'éducation qu'ils ou elles recevaient.
[00:04:11] Je veux dire qu'ils ou elles étaient déjà dans des établissements d'enseignement avant cela, mais c'est à ce moment-là qu'ils ou elles ont commencé à payer des frais de scolarité différentiels, ce qui a marqué ce que certains ont décrit comme un passage de l'aide au commerce. L'accès des étudiant.e.s internationaux.ales à l'enseignement supérieur n'était plus considéré comme une activité diplomatique, de soft power ou parfois humanitaire, mais comme une industrie d'exportation destinée à générer des fonds.
[00:04:35] À la fin des années 80 et dans les années 90, le recrutement d'étudiant.e.s internationaux.ales est devenu une véritable priorité pour les établissements dont les fonds stagnaient ou diminuaient. Ils ou elles ont également été considéré.e.s à l'époque comme des immigrant.e.s économiques potentiel.le.s. Et il y a eu cette course aux talents mondiaux qui a été en quelque sorte alimentée par les institutions et les provinces, le gouvernement fédéral, les recruteurs, les compagnies d'assurance maladie privées, tous ces acteurs du secteur privé, voulaient bien sûr faire partie de cette propulsion du recrutement des étudiant.e.s internationaux.ales.
[00:05:08] Entre 2003 et 2023, le nombre de permis d'études est passé de 160 000 à plus d'un million d'étudiant.e.s internationaux.ales. Il s'agit donc d'une escalade rapide au cours des 20 dernières années. Aujourd'hui, le Canada compte l'une des plus fortes proportions et le plus grand nombre d'étudiant.e.s internationaux.ales dans son système d'enseignement supérieur.
[00:05:34] Karine Morin : C'est vraiment intéressant d'entendre un peu comment cette image a évolué, parce que je dirais qu'au cours des dernières décennies, et vous venez peut-être d'en parler, il semble qu'il y ait eu un large consensus sur le fait que la présence d'étudiant.e.s internationaux.ales dans les établissements postsecondaires allait être bénéfique pour nous et pour eux/elles.
[00:05:54] C'était une perspective très favorable, semble-t-il. Et maintenant, vous parlez en quelque sorte de la manière dont la société, mais plus important encore, dont les établissements d'enseignement supérieur eux-mêmes considèrent cette proposition d'étudiant.e.s internationaux.ales dans notre enseignement supérieur. Que diriez-vous de plus sur ce lien entre les immigrant.e.s qui arrivent en tant qu'étudiant.e.s internationaux.ales ou sur la façon dont les étudiant.e.s internationaux.ales, par rapport aux autres immigrant.e.s, accèdent à l'enseignement supérieur? Et comment ce secteur a-t-il évolué de ce point de vue? Je pense que vous avez vraiment étudié ce lien dans certains de vos travaux.
[00:06:30] Lisa Brunner : Oui, c'est vrai. Je pense que le système d'immigration et le système d'enseignement supérieur du Canada sont confrontés à des défis similaires. Nous pouvons débattre de la question de savoir s'il s'agit réellement de défis ou non, mais l'un d'entre eux est l'évolution démographique en termes d'inscriptions nationales dans l'enseignement supérieur et de croissance démographique au Canada.
[00:06:50] L'immigration est donc considérée comme une solution à ces deux baisses du taux de natalité au Canada. Il y a aussi la concurrence mondiale, les pressions économiques et l'inflation. Ces deux systèmes sont donc confrontés à des problèmes similaires. Du côté de l'immigration, le Canada, comme beaucoup de pays du Nord, est impliqué dans cette compétition pour essayer de trouver les immigrant.e.s économiques les plus faciles à intégrer, entre guillemets.
[00:07:17] Comment le Canada peut-il attirer des immigrant.e.s qui, selon leur définition, celle du gouvernement, contribueront le plus à l'assiette fiscale canadienne pendant la plus longue période? Ils recherchent donc des jeunes, appartenant à une classe relativement aisée, des individus qui, vous le savez, profiteront à la société canadienne. Par conséquent, le Canada dépend de l'immigration à étapes multiples, ce qui signifie que les migrant.e.s viennent au Canada sur une base temporaire en tant qu'étudiant.e.s ou détenteurtrice.s d'un permis de travail, et qu'ils ou elles sont ensuite en concurrence sur le marché du travail.
[00:07:52] Le système ne sélectionne que ceux ou celles qui ont déjà réussi sur le marché du travail. Et, vous savez, cela a été initialement considéré comme une solution à un problème antérieur, à savoir que beaucoup d'immigrant.e.s sont venu.e.s au Canada en tant que résident.e.s permanent.e.s et n'ont pas pu trouver les emplois pour lesquels ils ou elles avaient été formé.e.s, pour lesquels ils ou elles avaient de l'expérience.
[00:08:09] Ce processus en deux étapes est donc considéré comme a) offrant de meilleurs résultats économiques en tant que processus de sélection et b) réduisant l'expérience très douloureuse que vivent de nombreuses personnes. C'est ainsi que les étudiant.e.s internationaux.ales ont été considéré.e.s comme cette catégorie idéale d'immigrant.e.s en deux étapes. En ce qui concerne le système d'enseignement supérieur, nous avons parlé de la baisse ou de la stagnation des financements, du plafonnement des frais de scolarité au niveau national, des mesures d'austérité, de la baisse des inscriptions au niveau national.
[00:08:37] Les étudiant.e.s internationaux.ales sont donc devenu.e.s un point de référence, car les établissements d'enseignement supérieur comptent de plus en plus sur les frais de scolarité comme mécanisme de financement, et plus particulièrement sur les frais de scolarité des étudiant.e.s internationaux.ales. Je dirais aussi qu'en ce qui concerne leur travail universitaire, en particulier en tant qu'étudiant.e.s diplômé.e.s, nous savons que dans de nombreux établissements, les étudiant.e.s internationaux.ales représentent la majorité des étudiant.e.s en doctorat, par exemple, et qu'ils ou elles effectuent donc une grande partie de ce travail de recherche et d'innovation.
[00:09:05] En conséquence, les établissements d'enseignement supérieur jouent aujourd'hui de nouveaux rôles liés à la migration. Ils sont impliqués dans la sélection des futur.e.s immigrant.e.s potentiel.le.s et dans leurs critères d'admission, ils jouent une sorte de rôle d'intégration dans les services qu'ils fournissent ou dans les années que les étudiant.e.s passent dans ces établissements. Mes recherches mettent en évidence les complexités et les défis potentiels de ce rôle.
[00:09:33] Karine Morin : Alors je vais vous emmener là où vous pensiez peut-être aller parce qu'à certains égards, on pourrait dire, bon, ça brosse un tableau assez favorable. Il semble y avoir des solutions aux problèmes, ça semble plus positif. Mais vous parlez d'une certaine critique de la façon dont le système est maintenant établi. Qu'est-ce qui préoccupe ceux et celles qui trouvent que notre solution a des conséquences inattendues, voire pires? Pourquoi ne pas en venir à cette critique de notre système actuel?
[00:10:06] Lisa Brunner : Oui, bien sûr. Je pense que l'immigration est clairement considérée comme une sorte de triple victoire, car les étudiant.e.s sont censé.e.s acquérir une citoyenneté souhaitable sur le marché mondial qu'ils ou elles recherchent, les établissements d'enseignement supérieur gagnent des revenus et de la diversité, qu'ils utilisent également comme facteur de motivation dans le travail académique. Enfin, les pays qui dépendent de l'immigration gagnent ces immigrant.e.s idéaux.ales, le capital humain, le soft power qui découle de ce processus et de nombreux autres avantages.
[00:10:36] L'une des choses que nous avons certainement constatées est la dépendance structurelle des étudiant.e.s internationaux.ales à de multiples niveaux de juridiction et dans de nombreux secteurs. Ce type de dépendance logistique a donc des répercussions sur le secteur de l'enseignement supérieur. Et je pense que l'immigration est tellement importante pour le Canada que l'enseignement supérieur sera toujours une sorte d'arrière-pensée après les objectifs d'immigration.
[00:10:59] Certains ont décrit le ministre Mark Miller, qui est actuellement ministre de l'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, comme le ministre de l'Enseignement supérieur canadien. C'est la première chose. Deuxièmement, d'un point de vue éthique, je pense que l'idée même de la valeur de l'éducation canadienne repose sur une sorte de suprématie occidentale qui dicte le caractère souhaitable de l'éducation occidentale en premier lieu et du Canada en tant qu'endroit souhaitable.
[00:11:27] La seule raison pour laquelle les gens voudraient passer par ce processus qui peut être une exploitation et une difficulté dans certains cas, c'est qu'il y a des inégalités de pouvoir au niveau mondial et que les gens sont prêts à passer par là. Très rapidement, j'ajouterai que cela fait partie de la néo-libéralisation de l'enseignement supérieur et de la gouvernance de l'immigration, qui positionne certains immigrant.e.s comme étant idéaux.ales et d'autres non, et qui positionne l'autonomie comme une condition de cette idéalisation.
[00:11:58] Autrefois, le Canada payait pour l'établissement des nouveaux arrivants en tant que valeur publique, ce qui est très différent de la façon dont c'est positionné aux États-Unis, par exemple, lorsque cela servait d'argument pour expliquer pourquoi le système d'immigration du Canada était si réussi, et que le processus d'intégration et d'établissement était différent de celui des États-Unis. Celui-ci se décharge alors sur les institutions, comme les établissements d'enseignement supérieur, ou sur les étudiants eux-mêmes.
[00:12:31] Karine Morin : Alors, ce sont des points vraiment intéressants, mais je pense que celui qui a capté l'attention des médias, l'attention du public, c'est quand on revient à une partie de la logistique et à Mark Miller comme ministre de l'Enseignement supérieur. Cela nous amène à ce qui s'est passé au cours de la dernière année, 2024, et à la façon dont nous avons soudainement vu l'imposition de plafonds sur les étudiant.e.s internationaux.ales.
[00:12:54] Plus récemment, nous avons constaté que leur éligibilité aux permis de travail était restreinte. Alors pourquoi ne pas nous parler un peu de ce qui s'est passé en 2024, de la façon dont cela semble avoir été présenté ou expliqué.
[00:13:09] Lisa Brunner : Oui, je veux dire que ce changement a été vraiment fascinant à observer parce qu'il a été assez dramatique. Pendant le COVID, nous avons vu - et jusqu'à - un gazouillis célèbre du ministre Mendocino à l'époque qui disait "nous voulons que les étudiant.e.s internationaux.ales viennent, et nous voulons qu'ils ou elles restent". Je pense que c'était à partir de 2021, un message très, très clair émanant d'un grand nombre d'institutions publiques et privées et de différents niveaux de gouvernement, provincial et fédéral, disant que nous voulons que les étudiant.e.s internationaux.ales soient des immigrant.e.s.
[00:13:41] Et cela a vraiment changé autour de l'année 2022 et vous voyez autour de l'été 2023, des ajustements dans les messages. Donc, nous avons vu des indices à l'été 2023 qu'il y avait un changement dans la façon dont les étudiant.e.s internationaux.ales étaient présenté.e.s. Nous avons vu des changements progressifs de politique vers l'automne 2023 et décembre 2023 en particulier, il y a eu des changements dans le montant des fonds que les étudiant.e.s internationaux.ales doivent fournir lorsqu'ils ou elles font leur demande de permis d'études.
[00:14:12] Et puis, oui, en janvier 2024, il y a eu le plafond, la grande nouvelle concernant les demandes d'étudiant.e.s internationaux.ales. La plupart des gens savent que le nombre de titulaires de permis d'études au Canada a augmenté au fil du temps. Mais je ne sais pas si les gens savent à quel point cette croissance a été importante en 2022 et 2023.
[00:14:33] Dans l'ensemble, la croissance de la population du Canada a été la plus élevée depuis 1957 et, vous savez, la migration dans son ensemble a augmenté, et a été le moteur de la croissance de la population du Canada depuis 1999, mais 2022 et 2023 ont été uniques parce que la croissance a été alimentée pour la première fois par les résident.e.s non permanent.e.s ou les résident.e.s temporaires. Et en 2023, la majorité de tou.te.s les résident.e.s non permanent.e.s au Canada étaient des partenaires actuel.le.s, des ancien.ne.s partenaires ou des partenaires accompagnateur.trice.s d'étudiant.e.s internationaux.ales.
[00:15:01] Je pense qu'il est très clair que les étudiant.e.s internationaux.ales ont été le moteur de la croissance démographique du Canada en 2022 et 2023. Ce n'est pas le cas exclusif, mais c'est un facteur très important. Un autre élément auquel les gens ne pensent pas vraiment est le nombre réel de demandes de permis d'études reçues par le gouvernement.
[00:15:25] Par exemple, certains établissements avaient un taux de refus très élevé. Vous voyez donc qu'il y avait un grand nombre d'étudiant.e.s internationaux.ales, mais que le nombre de demandes reçues par le gouvernement était - pour reprendre leurs termes - ingérable, ils ne pouvaient pas, vous savez, ils essaient d'utiliser l'intelligence artificielle et, la prise de décision automatisée pour, pour gérer cela, mais ce n'est pas, ils n'y sont pas encore.
[00:15:50] Ils ne pouvaient pas gérer le volume, et les délais de traitement étaient assez longs, etc. C'est la raison pour laquelle nous voyons un plafond non pas pour les étudiant.e.s internationaux.ales, mais pour les demandes de permis d'études des étudiant.e.s internationaux.ales, parce que certains établissements avaient apparemment des critères d'admission assez bas - beaucoup d'entre eux étaient des collèges - et beaucoup d'entre eux étaient impliqués dans des accords de partenariat public-privé avec des établissements privés.
[00:16:18] Depuis la fin des années 1970, des études ont été menées sur l'opinion publique. Chaque année, on demande aux gens s'il y a trop d'immigration au Canada, et la majorité des gens étaient d'accord avec cette affirmation jusqu'à la fin des années 1990.
[00:16:33] Ce sentiment a augmenté pendant les récessions, mais du début des années 2000 jusqu'en 2023, le Canada était vraiment unique dans le monde parce qu'il avait constamment une opinion publique positive de son système d'immigration. Beaucoup de pays s'inspirent du Canada et se demandent comment faire comme lui. Nous voulons que les gens soutiennent l'immigration parce qu'il est clair que les gouvernements en dépendent.
[00:16:53] Mais cela a changé en 2023, les sondages d'opinion montrent un changement dans l'opinion publique. Les Canadien.ne.s ne pensent pas nécessairement que l'immigration est le problème le plus important, ils ou elles sont plus préoccupé.e.s par l'économie, le logement et les soins de santé depuis COVID. Mais ils ou elles mentionnent l'immigration.
[00:17:11] Karine Morin : Est-ce que vous pensez qu'il y a des comparaisons entre le paysage de l'immigration aux États-Unis et au Canada, et si c'est malheureux et injuste que nos étudiant.e.s internationaux.ales aient fait les frais de scénarios par ailleurs assez différents, mais d'un discours qui pénètre vraiment dans le public canadien. Comment voyez-vous ce tableau?
[00:17:35] Lisa Brunner : Oui, je veux dire que Trump a déclaré l'été dernier, je ne me souviens pas textuellement de la citation, mais je crois qu'il a dit qu'il voulait donner une carte verte à tou.te.s les étudiant.e.s internationaux.ales aux États-Unis. Et il aspire aussi, il a dit publiquement qu'il aspire à avoir un système d'immigration comme celui du Canada parce que le système d'immigration américain n'est pas aussi basé sur, je cite, "la sélection de l'immigration par les compétences et l'économie".
[00:18:01] Je pense donc que la rhétorique des États-Unis a un impact certain sur le Canada et que les étudiant.e.s internationaux.alesen font injustement les frais. Mais je pense que le grand public canadien ne regarde pas nécessairement quelqu'un ou, vous savez, ne fait pas la distinction entre un.e étudiant.e international.e ou, un.e travailleur.euse qualifié.e ou un.e travailleur.euse international.e temporaire.
[00:18:27] Je ne pense pas qu'il y ait une discrimination généralisée à l'égard des immigré.e.s, mais elle est ciblée sur des populations spécifiques, ce qui est extrêmement préoccupant car, pour l'instant, les Canadien.ne.s et les sondages d'opinion s'intéressent davantage aux niveaux d'immigration et aux programmes d'immigration, et pas nécessairement aux immigré.e.s, comme s'il s'agissait de deux mesures différentes de l'opinion publique.
[00:18:49] Mais si cela commence à changer plus qu'il ne l'a déjà fait, je pense que ce serait vraiment inquiétant. Et je pense que nous devons tou.te.s, au Canada, réfléchir à ce qu'était le discours dominant utilisé pour justifier les étudiant.e.s internationaux.ales. Il s'agissait d'un discours déshumanisant, objectivant, selon lequel les étudiant.e.s internationaux.ales ont de la valeur parce qu'ils apportent une contribution économique, ils ont de la valeur pour le Canada parce que c'est positif pour le Canada.
[00:19:18] C’était, vous savez, dans tous les domaines, les gens l’ont vraiment souligné, et il est clair que ça ne convainc plus le public car dans ce même sondage d'opinion, lorsqu'on demande aux gens qui devrait être prioritaire pour venir au Canada, les étudiant.e.s internationau.ales arrivent en dernière position.
[00:19:35] En dessous des travailleur.euse.s temporaires à bas salaire, des réfugié.e.es. Cela m'a vraiment surpris. Mais il y a beaucoup de frustration au niveau du public concernant le système d'éducation internationale du Canada en général.
[00:19:53] Karine Morin : Alors, on a l'impression que vous parlez un peu - si ce n'est pas une conséquence directe - néanmoins, comment ce plafond a en quelque sorte, quel effet il a eu au niveau de la perception sociale des étudiant.e.s internationaux.ales. Comment voyez-vous l'impact de ce plafond dans le secteur de l'enseignement supérieur? Quel serait l'effet de ce plafond, selon vous, à ce stade et peut-être à l'avenir?
[00:20:21] Lisa Brunner : Oui, je pense que c'est la question à un million de dollars. Le fait est qu'il est trop tôt pour dire à quoi ressembleront les chiffres, parce qu'à la fin de l'été, il y avait, je crois, environ 90 000 nouveaux permis d'études délivrés en moins par rapport à 2023. Mais le fait est qu'il y avait de nouvelles restrictions d'éligibilité au permis de travail post-diplôme qui n’ont été annoncées qu'en septembre, après que la cohorte de cette année académique soit arrivée, et qui sont maintenant en place depuis le 1er novembre de cette année.
[00:20:56] Et le permis de travail post-diplôme est un élément clé de la motivation de nombreux.euses étudiant.e.s internationaux.ales à venir au Canada. Je pense donc qu'il faudra un certain temps pour comprendre l'impact, car cela - je pense - pourrait avoir un impact plus important que le plafond lui-même. Et ce n'est pas nécessairement le plafond qui a un impact, car d'après ce que j'ai compris, la plupart des établissements n'ont pas atteint leur plafond.
[00:21:24] De nombreux établissements n'ont pas réussi à recruter des étudiant.e.s étranger.ère.s. Ce n'était donc pas le plafond, mais peut-être l'impact sur l'image de marque du Canada. La façon dont il est perçu par les étudiant.e.s internationaux.ales. Mais je pense que nous pouvons supposer sans risque que la situation sera inégale à travers le pays et dans les différents secteurs.
[00:21:43] L'impact le plus important se fera certainement sentir dans les collèges, car c'est là que les permis de travail post-diplôme sont limités. Les permis de travail post-diplôme sont liés aux étudiant.e.s dans des programmes spécifiques comme l'agriculture, la santé, les STIM, le commerce, le transport, des domaines où il y a un besoin de main-d'œuvre sur le marché.
[00:22:04] Je pense donc que les frais de scolarité des étudiant.e.s internationaux.ales ont vraiment compensé la stagnation ou la baisse du financement, ainsi que la stagnation ou la baisse de la demande d'enseignement supérieur de la part des étudiant.e.s nationaux.ales. Il y a donc maintenant des décisions à prendre. Sur la base de ce que j'ai décrit à propos de l'opinion publique sur l'immigration, je ne pense pas qu'il y aura nécessairement un renversement du plafond de sitôt, je pense que le gouvernement libéral est vraiment préoccupé par les prochaines élections, il sait que l'immigration est un problème pour les gens en ce moment.
[00:22:43] Je pense qu'en ce moment, en tant que société, nous devons vraiment réfléchir à la valeur de l'enseignement supérieur et à qui doit en assumer le coût. Certains établissements ont déjà fermé certains de leurs campus. Je pense qu'il faudra attendre une autre année universitaire pour voir comment les gens vont réagir et comment les établissements vont réagir. Je pense que l'enseignement supérieur en tant que bien public est vraiment en danger.
[00:23:07] Il s'agit donc d'un moment crucial, qui n'a pas seulement un impact sur les étudiant.e.s internationaux.ales, mais aussi sur l'accès des étudiant.e.s nationaux.ales à l'enseignement supérieur, aux sciences humaines, en particulier pour les Canadien.ne.s de la classe ouvrière, et je dirais que cet accès est vraiment menacé en ce moment.
[00:23:24] Karine Morin : Alors, ça ouvre la porte, peut-être, à se demander où ont lieu ces discussions sur les valeurs fondamentales de l'enseignement supérieur? Est-ce que vous voyez que si vous décrivez ce qui a été une sorte d'explication et de logique dominante, il y a quelque chose d'autre qui vient avec une proposition différente sur la valeur de notre système d'enseignement supérieur, la valeur d'avoir une certaine mobilité internationale dans l'enseignement supérieur, selon toute vraisemblance. D'après vous, où se trouve la contre-explication? Ou est-il encore trop tôt pour que cela soit organisé et que nous en entendions parler à ce stade?
[00:24:05] Lisa Brunner : Je veux dire, je pense que c'est une très bonne question. Je peux dire que dans mes cercles de praticien.ne.s, j'ai l'impression de ne pas avoir observé beaucoup de contre-récits, comme les gens, je pense que ce que je dis est peut-être du bon sens pour beaucoup de gens. Ils savent que les gens savent généralement que l'enseignement supérieur dépend des étudiant.e.s internationaux.ales à ce stade, cela a été couvert par les médias et les gens sont vraiment, c'est, c'est connu.
[00:24:27] Pour l'instant, je pense que le gouvernement fédéral a vraiment le dessus parce qu'il détient la clé de l'approbation des permis d'études, et on ne voit pas d'établissements dire "Hey, repensons vraiment notre stratégie en ce qui concerne la dépendance à l'égard des étudiant.e.s internationaux.ales".
[00:24:47] Au lieu de cela, les établissements se disent : Nous sommes une université, comment pouvons-nous créer un programme de deux ans pour les étudiant.e.s internationaux.ales? Ensuite, nous nous associons à un établissement de quatre ans et nous établissons un partenariat, ce qui leur permet d'obtenir un permis de travail post-diplôme. Ou comment pouvons-nous établir un lien avec les flux de permis d'études secondaires, qui ne sont pas plafonnés?
[00:25:09] On assiste alors à un jeu du chat et de la souris où le gouvernement fédéral essaie de comprendre quelles sont les nouvelles solutions de contournement suggérées dans le secteur et de les corriger.
[00:25:26] Mais je pense que la réduction du nombre de résident.e.s temporaires au Canada est une priorité politique claire pour le gouvernement fédéral à l'heure actuelle, et les étudiant.e.s internationaux.ales font partie de cette tentative de réduction.
[00:25:41] Karine Morin : C'est intéressant de voir toutes les forces en présence. Certainement, cette intervention fédérale juridictionnelle dans ce qui est autrement clairement une juridiction provinciale et une sorte d'absence du gouvernement provincial dans le dossier, on dirait. Il y a autre chose que je sais que vous avez un peu étudié et je pense que c'est un domaine que je ne connaissais pas beaucoup, mais vous faites référence à des entreprises d'edu-tech, dans un article récent que vous avez écrit.
[00:26;10] Je serais curieuse d'en savoir plus sur la manière dont ce mouvement de recrutement, l'arrivée de ces étudiant.e.s internationaux.ales, leur identification, la facilitation de leur venue potentielle au Canada, se déroule. Pouvez-vous nous parler un peu de la façon dont ces entités ont vu le jour, du rôle qu'elles jouent et s'il y a là quelque chose qui, selon vous, devrait recevoir plus d'attention qu'il n'en a peut-être reçu jusqu'à présent.
[00:26:34] Lisa Brunner : Oui, bien sûr. Je veux dire, je pense que certaines personnes ont une sorte d'exceptionnalisme canadien, et pensent que bien sûr, les étudiant.e.s internationaux.ales veulent venir au Canada. Ce doit être facile, comme si nous refusions des gens à la frontière, mais en fait, il est difficile à certains égards de recruter des étudiant.e.s internationaux.ales pour venir au Canada.
[00:26:51] Ce n'est pas si facile. Les étudiant.e.s internationaux.ales, ce groupe démographique de personnes mobiles à l'échelle internationale qui peuvent se permettre de payer des frais de scolarité élevés au Canada, peut-être moins élevés qu'aux États-Unis, par exemple, mais toujours relativement élevés à l'échelle mondiale. Il s'agit d'une catégorie limitée de personnes qui peuvent se le permettre et qui veulent venir au Canada.
[00:27:14] Le recrutement d'étudiant.e.s internationaux.ales est donc une activité dans laquelle les établissements investissent beaucoup, de même que le gouvernement fédéral et même, dans certains cas, les provinces. C'est une activité qui demande beaucoup de temps et qu'il est très difficile de réglementer. Vous ne savez pas nécessairement ce que dit ou promet un.e recruteur.euse que vous avez payé et qui vit à l'étranger et qui n'est pas soumis.e aux lois canadiennes, par exemple, ou aux réglementations, vous ne savez pas nécessairement ce qu'il ou elle dit ou promet ou quelle commission il ou elle reçoit. Il s'agit donc d'un domaine qui a récemment fait l'objet d'une plus grande attention, et des politiques ont été mises en place pour tenter de réglementer cet espace.
[00:27:56] Les entreprises EdTech sont intervenues en proposant des agrégateurs d'agent.e.s. Ainsi, au lieu qu'une institution passe un accord avec un.e recruteur.euse individuel.le, vous signez un accord avec ce type de plateforme qui regroupe des milliers d'agent.e.s, des sous-traitant.e.s qui recrutent des étudiant.e.s internationaux.ales et qui obtiennent tou.te.s une part.
[00:28:20] Il s'agit donc d'une activité très lucrative et très innovante, qui fait appel à des technologies intéressantes. Mais c'est ce qui a permis à un si grand nombre de demandes d'étudiant.e.s internationaux.ales d'arriver sur le devant de la scène.
[00:28:37] Certaines de ces sociétés d'agrégation d'agent.e.s commencent maintenant à jouer un rôle d'évaluation et de conseil en matière d'immigration. Elles peuvent examiner les données d'un.e étudiant.e, ses finances, sa citoyenneté, son âge, tous ces différents facteurs, les comparer à la probabilité que cette personne obtienne un permis d'études, puis indiquer aux établissements, par rang, les étudiant.e.s qu'il est préférable d'admettre.
[00:29:05] Cela signifie qu'une institution publique, sans parler des institutions privées, mais disons des institutions publiques qui ont un mandat spécifique sur ce que leurs, ce que leurs étudiant.e.s je pense sont supposé.e.s faire, vous savez, en termes d'accès à l'éducation. Cette sorte de boîte noire de prise de décision automatisée, dont on ne peut pas vraiment connaître l'algorithme, parce qu'il est propriétaire, c'est une entreprise privée, prend certaines de ces décisions d'admission pour les institutions.
[00:29:33] Je ne dis pas que la discrimination fondée sur les étudiant.e.s internationaux.ales ou l'accès à l'enseignement supérieur n'existait pas avant cela, mais avec le plafond, je pense qu'il y a un risque réel que certain.e.s étudiant.e.s, comme j'ai travaillé avec des étudiant.e.s afghan.e.s - en particulier des femmes dans des programmes d'études supérieures - qui ne peuvent pas du tout accéder à l'éducation en Afghanistan, donc certain.e.s des étudiant.e.s qui pourraient avoir le plus besoin d'accéder à l'éducation ont maintenant un autre obstacle qui peut entrer en jeu.
[00:30:07] Karine Morin : Donc, au lieu que tout le système cherche ceux ou celles qui apporteraient la réussite scolaire, et qu'il regarde cette perspective et ce potentiel, vous pointez du doigt tout un tas d'autres facteurs qui, vont enlevez ce potentiel et cette capacité, cette compétence, cette volonté, cette disposition à venir et à relever le défi de l'enseignement supérieur au Canada, potentiellement pour atteindre une certaine mobilité économique sociale, mais juste avec, avec la conviction de vouloir acquérir ce niveau de compétences et d'expertises, etc.
[00:30:42] Tout cela, la perspective incroyablement perspicace que vous nous avez présentée, m'amène à vous demander ce que vous considérez comme un rôle pour les universitaires comme vous, mais les sciences humaines, pour exposer et remettre en question et peut-être proposer des solutions. Qu'aimeriez-vous voir se produire à l'avenir pour améliorer la situation, dans une décennie ou deux, par rapport à la tendance actuelle qui, je pense, nous a été conférée et qui est peut-être un peu préoccupante. Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation?
[00:31:21] Lisa Brunner : Je pense qu'il y a deux questions centrales, l'une du côté de l'enseignement supérieur et l'autre du côté de l'immigration, qui ont besoin d'être démêlées et de recevoir plus d'attention du côté de l'enseignement supérieur. Je pense que beaucoup d'entre nous travaillent dans des établissements d'enseignement supérieur. Nous dépendons d'eux, nous en faisons partie, mais nous battons-nous vraiment pour l'éducation publique au Canada?
[00:31:41] Est-ce qu'on sait vraiment à quoi ça ressemblerait si ces institutions fermaient et si les gens n'y avaient pas accès? En tant que personne qui a grandi aux États-Unis et qui a vu l'éducation publique être décimée aux États-Unis, j'apprécie vraiment ce qu'il y a au Canada, cette éducation publique, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je suis venue ici pour faire ma maîtrise parce que j'ai eu des fonds en tant qu'étudiante internationale pour faire de la recherche et j'en suis très reconnaissante.
[00:32:11] C'est le premier point. Et puis je pense que du côté de l'immigration, d'après ce que j'ai compris, le consensus sur l'immigration au Canada, selon lequel l'immigration est une bonne chose au cours des deux dernières décennies, est basé sur quatre récits clés : l'immigration est bonne pour l'économie canadienne, l'immigration est bien gérée, la diversité est positive ou au moins acceptable, et l'immigration est sans coût pour les Canadien.ne.s.
[00:32:36] Il s'agit de quatre récits qui ont été présentés au public et avec lesquels les gens étaient généralement d'accord, mais qui sont maintenant tous les quatre remis en question. Par exemple, les gens se demandent vraiment si l'immigration est gratuite pour les Canadien.ne.s. Mais, derrière tout cela, il y a un argument d'intérêt personnel très profond selon lequel l'immigration ne doit profiter qu'au Canada et que toute forme d'exploitation qui se produit en cours de route est acceptable.
[00:33:05] Peut-être pas n'importe quel type, mais, vous savez, nous avons maintenant beaucoup d'étudiant.e.s internationaux.ales et d'ancien.ne.s étudiant.e.s internationaux.ales au Canada qui s'attendent à immigrer, à qui on a dit de venir et de rester en 2021. Ils ou elles sont donc venu.e.s et se préparent à rester, et le plan d'immigration n'a pas assez de place pour eux.
[00:33:26] Et cela suppose qu'ils ou elles vont quitter le Canada et rentrer chez eux, ou aller dans un pays tiers ou ailleurs. Or, ce n'est pas le cas de tou.te.s. Je pense que nous devons être prêt.e.s à donner à ces étudiant.e.s un soutien et des conseils juridiques, à les défendre et à être solidaires avec eux ou elles, mais je pense que nous devons aussi réfléchir à la fonction de l'immigration.
[00:33:05] S'agit-il seulement d'amener le plus de compétences possible du monde entier au Canada et d'en tirer profit? Je veux dire que la plupart des gens diraient peut-être oui, mais je pense qu'une remise en question éthique de certains des récits clés de l'immigration et une véritable réflexion sur le rôle de l'immigration sont le genre de questions que nous devons poser.
[00:34:17] Karine Morin : On a l'impression que vous rendez les choses encore plus complexes qu'elles ne le sont déjà, mais vous venez de nous conférer une perspective tellement nuancée de ce qu'est le paysage actuel. Je pense que tout le monde aurait reconnu qu'il n'y a probablement pas de solutions faciles, qu'il y a eu des tendances au cours des décennies qui ne seront pas facilement inversées.
[00:34:36] Et si, s'ils commençaient à montrer qu'il y a des questions, des problèmes, ceux-ci ne seront pas facilement résolus. Mais je vous remercie beaucoup. Et je pense qu'il sera intéressant de voir comment ceux et celles qui ont immigré au Canada, comment leurs voix pourraient contribuer à ce genre de réflexion sur l'avenir des futurs immigrant.e.s, du point de vue des ancien.ne.s immigrant.e.s qui ont peut-être eu ces expériences bénéfiques, qui auraient voulu le faire, mais qui n'ont pas eu ces opportunités à l'époque.
[00:35:07] Je pense donc qu'il y a une proportion importante de la population canadienne, des immigrant.e.s de première et de deuxième génération, qui, je l'espère, sera disponible et disposée à participer à un dialogue sociétal permanent sur l'enseignement supérieur et l'immigration. Lisa Bruner, merci beaucoup, ce fut une conversation vraiment merveilleuse, j'ai certainement beaucoup appris et j'espère qu'il en sera de même pour notre public.
[00:34:33] Lisa Brunner : Merci de m'avoir accueillie.
[00:34:42] Karine Morin : Je remercie notre public d'être à l'écoute du balado Voir Grand. Je remercie aussi mon invitée, Lisa Brunner, chercheuse postdoctorale à l'Université de la Colombie-Britannique. Je tiens également à remercier nos amis et partenaires du Conseil de recherches en sciences humaines, dont le soutien permet de réaliser ce balado. Enfin, je remercie CitedMedia pour son soutien à la production du balado Voir Grand. Un nouvel épisode sortira bientôt, alors n'oubliez pas de nous suivre sur votre plateforme de balado préférée. À la prochaine!
Ce balado a bénéficié du soutien à la production de CitedMedia, la société de balado universitaire. Pour en savoir plus, consultez citedmedia.ca