À propos de l'Étude sur le PAES et la situation du livre savant au Canada
Fondé en 1941-1942, le Prix d’auteurs pour l'édition savante (PAES) est une activité clé de la Fédération, qui finance des livres savants au Canada qui apportent une contribution importante aux sciences humaines. L'écosystème de l'édition savante est aujourd'hui très différent de celui de 1941, surtout si l'on tient compte de la quantité de publications numériques et des méthodes d'accès dont disposent les chercheur.euse.s aujourd'hui. Cette étude, réalisée par Vincent Larivière et Delphine Lobet, a été commissionnée afin d’examiner et fournir un instantané des livres savants au Canada : leur production, leur utilisation et leur importance continue, afin de mieux comprendre la place et l'importance du PAES dans l'édition savante actuelle et future.
Larivière et Lobet ont consulté des données canadiennes et internationales afin de comparer et de comprendre les tendances au Canada dans le contexte mondial des livres savants. Ils ont utilisé diverses méthodes dans leur analyse, notamment des analyses bibliométriques, des données du PAES, des ensembles de données externes, un examen de la documentation et des rapports sur des questions connexes, ainsi que la consultation d'éditeurs. Les données référencées dans l'étude sont inclues dans des graphiques et des tableaux dans le corps de l'étude.
Lisez l'étude et explorez ses conclusions en profondeur
Faits saillants
Les livres savants occupent une place nécessaire dans le monde universitaire et dans notre société. Ils sont des conservateurs et des transmetteurs essentiels de notre savoir collectif. La question est de savoir comment les livres savants vont évoluer à partir de maintenant, à une époque où les formats numériques et le libre accès deviennent de plus en plus répandus. La préservation de l'art du livre savant doit être un effort conjoint entre les éditeurs, les bibliothèques, les organismes de financement de l'édition et de la recherche comme le PAES. L'étude préconise une collaboration entre les parties prenantes pour une intégration réfléchie et coopérative des nouvelles méthodes numériques à mesure qu'elles entrent dans l'écosystème de l'édition et de la recherche.
"Le livre savant est dans une phase complexe où se réinventent à la fois les modèles économiques, les normes techniques et les formes de communication savante. Le livre, cette forme de communication longue, différente et complémentaire de l’article, doit être reconnu comme partie intégrante de l’infrastructure de recherche en SHS, et soutenu comme tel, même s’il est appelé à changer. Surtout parce qu’il est appelé à changer. La situation doit inviter non pas à remettre en question l’importance du livre en SHS et à restreindre son financement, mais, au contraire à soutenir d’autant mieux les éditeurs qu’ils sont tenus d’accompagner le livre dans ces transformations." (Résumé exécutif, 5)
La production de livres savants est en hausse, mais, à l'échelle internationale, les ventes commerciales de livres savants ont tendance à baisser (Étude sur le PAES, 38). Au Canada, les ventes commerciales de livres savants semblent relativement stables (29), mais il faut tenir compte du fait que de nombreux livres savants trouvent leur place non pas auprès du grand public, mais dans les bibliothèques universitaires. Il semble qu'au sein de ces bibliothèques, on assiste à une diminution de l'acquisition de livres imprimés savants au profit de revues et de livres électroniques (46), ce qui est devenu encore plus évident pendant la pandémie de COVID-19 (46).
Parallèlement, les articles de revues continuent de gagner en popularité dans les bibliographies. Une exception notable à cette tendance se trouve dans le domaine des arts et des sciences humaines, où les livres représentent 70 % des citations bibliographiques (52). Dans le milieu universitaire, on constate que les livres savants sont toujours utilisés activement dans la recherche (58) et sont considérés comme un outil de recherche nécessaire et une "forme de production essentielle" pour présenter les travaux des chercheur.euse.s (62). L'étude décrit les livres comme une "technologie de la connaissance" :
"Les considérations de ventes et de demande et même d’usage dans les bibliographies ne doivent donc pas seules amener à statuer sur la pertinence du livre. Il faut continuer à le soutenir pour quelque chose de nécessaire à l’avancement et à la diffusion des savoirs, même s’il est dans ses formes possiblement appelé à changer. Il faut en tout cas laisser une place à la pensée lente et longue. Ainsi le livre « apport[e-t-il] une contribution importante au savoir », comme le veut le PAES , et doublement : dans le chef de l’auteur et dans celui du lecteur, s’il le trouve et y a accès." (63)
Les livres savants sont un outil essentiel pour la préservation et la diffusion des connaissances. Pourtant, étant donné que les bibliothèques et les chercheur.euse.s préfèrent de plus en plus les formats numériques, leur utilisation continuera de décliner à moins qu'ils ne bénéficient d'un soutien adéquat pour s'adapter à l'ère numérique.
Les formats numériques présentent quelques avantages clés par rapport à leurs homologues imprimés (64). Tout d'abord, les formats numériques sont, en théorie, plus accessibles et plus faciles à découvrir que les imprimés. C'est d'autant plus vrai pour le libre accès, qui consiste à mettre la recherche en ligne sans barrière et gratuitement.
Cette capacité de découvrir et d'accéder à l'information via le web est au cœur de la prédominance croissante des articles de journaux sur les livres et du soutien croissant au libre accès. Il est facile de supposer que le fait de pivoter pour publier via des livres électroniques et d'incorporer le libre accès dans les pratiques d'édition est une solution simple, mais l'étude montre que ce n'est pas le cas.
À mesure que les bibliothèques et les chercheur.euse.s réduisent leur consommation de livres savants imprimés en faveur des publications numériques, la pression s'exerce sur les éditeurs pour qu'ils répondent à cette demande. L'étude note que plusieurs presses fonctionnent désormais selon un modèle hybride de libre accès et d'impression à la demande, dans lequel les livres sont partagés numériquement et gratuitement, mais disponibles en nombre limité d'exemplaires sur demande ou en cas de besoin (65). Est-il raisonnable d'attendre des autres presses qu'elles fassent de même par défaut?
La distribution en libre accès des ouvrages savants, parallèlement aux éditions imprimées, aurait un impact positif sur l'accès et la découvrabilité des livres (63), mais l'étude indique que le parcours vers l'édition numérique, y compris le libre accès, est complexe. L'édition numérique, qu'il s'agisse de livres électroniques et/ou de libre accès, crée un travail supplémentaire pour formater les titres dans des formats virtuels parallèlement à la publication imprimée traditionnelle. Pour rendre une publication numérique fonctionnelle et accessible, il faut consacrer beaucoup de temps, d'efforts et d'argent à un catalogage, des métadonnées et un marketing appropriés (64). Pour les ouvrages en libre accès, les presses ne peuvent pas toujours récupérer ces coûts grâce aux recettes des ventes. Cela constitue un obstacle important à l'intégration des formats numériques, et en particulier du libre accès, dans les stratégies de publication de nombreuses presses.
Les données sur l'impact de l'édition en libre accès sont relativement récentes et difficiles à évaluer. Nous savons que la transition vers le numérique et le libre accès ne se limite pas aux presses mais à l'ensemble de l'écosystème de l'édition savante (67). Pour établir des politiques et des pratiques en matière de libre accès, il reste encore beaucoup d'études et de consultations à faire pour garantir le meilleur résultat possible pour l'industrie de l'édition savante et les livres qu'elle produit.
Le PAES remplit un créneau précieux dans l'édition qui n'est pas explicitement visé par d'autres subventions : les livres savants dans le domaine des sciences humaines (f80). Dans la plupart des cas, le PAES travaille directement avec les éditeurs d'ouvrages savants. Les éditeurs proposent des candidatures pour la subvention et reçoivent l'argent de la subvention pour soutenir la publication de l'ouvrage de l'auteur.
"Depuis sa création en 1941, le PAES a contribué à la publication de plus de 8000 ouvrages." (7)
L'étude examine l'impact du PAES sur le processus coûteux de production de livres savants et constate que les coûts de production dépassent de loin les 8 000 dollars de la subvention. Comparativement aux articles de revues et aux livres de fiction, les coûts directs de production des livres savants peuvent atteindre une moyenne d'environ 17 000 $, l'ensemble des coûts directs et indirects variant entre 30 000 $ et 40 000 $ environ (73). Les coûts augmentent considérablement pour les traductions, que la subvention de 12 000 $ ne suffit pas à couvrir (73).
Historiquement, les titres en français n'ont pas eu autant de succès que leurs homologues anglais. Proportionnellement, moins de titres en français ont été soumis que de titres en anglais et ils sont plus susceptibles d'être soumis par des auteur.trice.s que par des presses, ce qui a un impact négatif sur leurs chances d'être acceptés. L'étude note que cela est dû en partie aux pressions exercées pour " publier en anglais ou périr " [la Fédération a exploré cette idée à l'automne 2022, vous pouvez regarder le webinaire ici]. Ces taux s'améliorent toutefois de manière significative depuis 2018 (63). ).
Bien que The University of Toronto Press, UBC Press et McGill-Queen's University Press représentent plus de 73 % des livres financés par le PAES de 2005 à 2020 en raison du volume de livres soumis (15), l'étude a révélé qu'en général, les presses universitaires dépendent de subventions et de fonds comme le PAES pour continuer à exister. De nombreuses presses risquent de disparaître en raison d'un manque de soutien institutionnel (76).
En raison de la nature du PAES, dans le cadre duquel les éditeurs soumettent des livres à l'évaluation en fonction de leur " contribution à la connaissance ", il convient d'examiner comment et pourquoi le PAES existe : réduire l'obstacle financier à la publication d'ouvrages savants et assurer leur disponibilité continue pour la recherche universitaire et la connaissance collective future. L'étude révèle que les livres financés par le PAES sont activement utilisés par les chercheur.euse.s (58) et jouent un rôle essentiel dans la préservation des connaissances spécialisées.
"Parce qu’il contribue à cette forme de liberté académique qu’est la liberté d’écrire et de publier en dehors des contraintes de rentabilité commerciale - « C’est pour ça que le PAES existe, pour soutenir des ouvrages qui autrement ne pourraient jamais voir le jour » (presse universitaire), le PAES est, en tant que subvention, une ressource vitale de la communication savante et de la recherche canadienne." (102)
L'étude formule plusieurs recommandations pour l'avenir du PAES, visant à soutenir l'édition universitaire en cette période de grands changements :
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Une augmentation des subventions de base et de traduction pour mieux soutenir les éditeurs (104).
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Un soutien accru à l'ampleur des travaux pour reconnaître les titres considérés comme moins académiques qui sont plus populaires auprès du grand public et innovants dans leur sujet ou leur format (105)
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Mettre en œuvre un financement global (109)
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Révision des critères d'admissibilité en consultation avec les presses (110)
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Consulter les intervenant.e.s de la chaîne du livre au sujet du système d'édition savante afin de s'assurer qu'il est adapté aux besoins (112)
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Faciliter le libre accès en collaboration avec les acteur.trice.s de la chaîne du livre (114)