Article rédigé par Jaigris Hodson, professeure associée, College of Interdisciplinary Studies, Royal Roads University, Christiani Thompson-Wagner, candidate au doctorat, Département de linguistique, Saskatchewan University et Darren Reid, étudiant au doctorat, Département d’histoire, University College London
Comprendre ce qu’est une infodémie
La désinformation liée à la COVID-19 a été qualifiée d’infodémie, car elle a la capacité de causer presque autant de préjudices pour la santé des personnes que la maladie en tant que telle. Comme la désinformation est souvent diffusée sur les plateformes de médias sociaux, il est important que les communicateurs de la santé publique comprennent de quelle manière et pour quelles raisons les personnes partagent en ligne des informations liées à la COVID-19, et quelles décisions elles prennent, lesquelles sont susceptibles d’entraîner par inadvertance la diffusion de fausses informations. Afin de comprendre certaines des décisions qui sous-tendent le partage en ligne des renseignements liés à la COVID-19, mon équipe a mené des entretiens auprès de 18 participantes et participants (12 femmes et 6 hommes) de tout le Canada, âgés de 30 à 60 ans et plus. Les participants nous ont montré trois exemples de contenus liés à la COVID-19 avec lesquels ils avaient récemment interagi (aimé, partagé, cliqué sur un lien, regardé une vidéo ou lu un article) sur des médias sociaux; nous leur avons ensuite posé des questions sur les contenus qu’ils nous avaient communiqués, dont certaines abordaient la crédibilité. Nous voulions savoir comment les participants évaluaient la crédibilité du contenu avec lequel ils interagissaient en ligne, car nous croyons que si les gens peuvent déterminer avec précision quelles informations et sources sont crédibles, ils seront, espérons-le, moins susceptibles de partager de fausses informations dans leurs flux de médias sociaux.
Évaluer la crédibilité des informations en ligne sur la COVID-19
Les données tirées des entretiens indiquent que les gens trouvent que les informations sur la COVID-19 sont plus crédibles lorsqu’elles émanent d’une source qui leur semble provenir d’un expert ou lorsqu’elles correspondent à leurs convictions existantes. Les 18 personnes interrogées nous ont indiqué qu’elles estiment que les informations sont crédibles lorsqu’elles correspondent à ce qu’elles croient déjà être la vérité. De plus, les participants nous ont informés qu’ils étaient plus susceptibles de percevoir une source d’information comme étant fiable si la source donnait des renseignements qui cadraient déjà avec leurs croyances. Seize des 18 participants ont soulevé qu’ils considéraient l’information crédible lorsqu’elle provenait d’experts reconnus. Lorsque les gens avaient l’impression que des informations étaient omises, ils avaient alors un certain doute quant à l’expertise derrière la source d’information. En d’autres termes, une source pourrait être remise en question si elle était perçue comme étant non transparente, ou comme faisant « volte-face » sur une question.
Que peuvent faire les communicateurs de la santé publique?
L’expertise et la confiance peuvent être prises en compte dans le processus de communication en matière de santé publique. Les communicateurs de la santé publique peuvent s’assurer qu’ils établissent l’expertise dans le cadre de leur stratégie de communication. En outre, ils doivent veiller à assurer un niveau élevé de transparence de l’information et à répondre directement aux questions afin d’éviter d’éroder la perception de l’expertise par une communication erronée. Bien entendu, la transparence peut être interprétée de nombreuses façons, et les analyses de la communication en matière de santé publique lors des épidémies passées ont démontré que toute interprétation n’est pas nécessairement profitable. Notre recherche peut fournir quelques indications quant à la manière dont la transparence peut être mise en œuvre : nombre de nos participants ont exprimé leur frustration lorsqu’on ne leur a pas partagé d’où venaient les données, où ils pouvaient y accéder eux-mêmes, ou les raisons pour lesquelles les informations d’une source n’étaient pas compatibles avec celles d’autres sources. Toutefois, si les gens évaluent la qualité de l’information en fonction de son adéquation par rapport à ce qu’ils croient déjà, le fait de leur fournir des renseignements supplémentaires peut être insuffisant pour assurer qu’ils suivent les lignes directrices en matière de santé publique.
Pour traiter le rôle de la crédibilité liée aux convictions personnelles, il faudra en fait une formation sur la maîtrise de l’information dispensée à grande échelle. Pour cette raison, notre équipe commence à penser que l’éducation sur la santé publique doit inclure la maîtrise de l’information. Si une infodémie constitue un risque pour la santé, alors le fait d’enseigner aux gens quels sont les éléments déclencheurs de la diffusion de fausses informations constitue une intervention de santé publique.