Peter Severinson, Analyste des politiques, Fédération des sciences humaines
Au cours de l’été, la communauté de recherche canadienne a eu à se pencher sur quelques-uns des défis les plus urgents du secteur en répondant à la consultation tenue dans le cadre de l’Examen du soutien fédéral aux sciences, sous l’égide d’un groupe de travail indépendant désigné par la ministre des Sciences Kirsty Duncan. La Fédération a pris une part active au processus en étendant la consultation à ses membres du milieu de la recherche en sciences humaines (SH) et en formulant un ensemble de recommandations à l’adresse du comité consultatif dans notre soumission officielle « Saisir la complexité des choses : bâtir un système fédéral de recherche au service de tous les Canadiens ».
Le mémoire constate que même si le système de recherche financé par le gouvernement fédéral au Canada lutte pour surmonter plusieurs défis importants, la structure de recherche du Canada est en bonne posture dans l’ensemble et nous ne proposons aucun remaniement majeur des principaux organismes fédéraux de financement de la recherche. Toutefois, certains changements clés s’imposent afin de résoudre des difficultés qui se prolongent depuis longtemps ou qui se font jour à l’heure actuelle. Les paragraphes qui suivent résument quelques-unes des recommandations énoncées dans le mémoire et qui serviront de base aux discussions qui se dérouleront le 9 novembre prochain à Toronto, à l’occasion de la Conférence annuelle 2016 de la Fédération, sous la férule de Christine Tausig Ford, directrice générale par intérim de la Fédération des sciences humaines, Stephen Toope, président de la Fédération des sciences humaines, et Vivek Goel, vice-président à la Recherche et à l’Innovation, University of Toronto. Nous espérons que vous vous joindrez à nous!
Corriger le déséquilibre du financement de la recherche en SH
L’économie du Canada est de plus en plus axée sur les connaissances et les services, le secteur tertiaire représentant aujourd’hui 70 pour cent du PIB et trois emplois sur quatre. Notre perspective de prospérité dépend en grande partie du savoir, de l’innovation et des compétences liés à la manière dont les gens se comportent et interagissent ainsi qu’à leur prise de conscience et à la possibilité de s’exprimer. Il apparaît donc urgent de remédier au déséquilibre dont pâtit de longue date le financement du système canadien de recherche, dont à peine 15 pour cent des subventions fédérales consacrées à la recherche vont au Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), principale source du financement de la recherche en SH. À ce niveau, en 2015-2016, le CRSH n’a pu satisfaire qu’un quart des demandes des chercheurs en SH. Cela se traduit par une perte de potentiel significative. Pour corriger ce déséquilibre, la Fédération recommande que la part du CRSH au financement total de la recherche soit augmentée à hauteur de 20 pour cent au cours des dix prochaines années.
Financer la recherche multidisciplinaire par la création d’un Fonds de soutien aux défis multidisciplinaires
Certains de nos enjeux sociaux les plus pressants sont trop complexes pour être abordés sous un seul angle. S’attaquer aux défis que posent les changements climatiques, la réconciliation entre Autochtones et non-Autochtones et les inégalités socio-économiques exigera les contributions provenant d’un large éventail de disciplines, y compris dans le domaine des SH. Malheureusement, nous avons trop souvent entendu au cours de nos consultations que les organismes subventionnaires du Canada peinent à financer des projets de recherche qui, selon la perception courante, ne ressortent pas des mandats des organismes ou les outrepassent. De ce fait, des approches multidisciplinaires novatrices et permettant de prendre la pleine mesure des défis complexes auxquels fait face la société, demeurent inexplorées. La Fédération recommande donc la création d’un nouveau Fonds de soutien aux défis multidisciplinaires axés sur le soutien à ce type de recherche qui fait appel aux connaissances et aux méthodes issues de disciplines de recherche multiples.
Accroître le soutien à l’infrastructure de recherche
La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) a été appelée à remplir un rôle vital à l’appui de l’infrastructure de recherche canadienne et sa structure et bonne gouvernance actuelles expliquent son succès. Toutefois, la FCI souffre de quelques contraintes de taille qui limitent sa capacité à soutenir certaines formes de recherche importantes. En premier lieu, l’impossibilité de faire fond sur un financement à long terme limite la capacité de l’organisme et de ses partenaires à planifier des activités à long terme. Deuxièmement, un modèle de financement manquant de souplesse qui requiert le financement de sources limite l’accès au financement de certains types de projets. Cela est particulièrement vrai au regard des projets de recherche qui poursuivent des objectifs nationaux ou internationaux d‘envergure — y compris les projets en SH — et qui ne réussissent pas à mobiliser des fonds de contrepartie des provinces dont les priorités de recherche ont fréquemment une portée régionale. Pouvant compter sur une plus grande assurance d’obtenir le financement à long terme et sur une plus grande souplesse concernant les exigences de fonds de contrepartie, la FCI serait mieux placée pour financer des projets de recherche d’une diversité accrue et qui présentent des possibilités de retombées plus porteuses pour le Canada.
Une voie à suivre pour la recherche canadienne
Bien que les défis décrits ci-dessus (et de nombreux autres enjeux évoqués dans le corps de la soumission complète) soient importants, le système canadien de recherche a des bases solides dans son ensemble. Le mémoire de la Fédération souligne que, tandis que des efforts assidus doivent être déployés pour résoudre plusieurs difficultés urgentes, la communauté de recherche est bien équipée pour relever ces défis. La Fédération et, bien sûr, toute la communauté des SH, aspire à contribuer à cet effort majeur.
Entretenir le dialogue
Alors que le Comité consultatif est censé formuler ses recommandations en janvier, l’amélioration du système canadien de recherche constitue un programme à long terme. Nous espérons pouvoir compter sur la participation constante de nos membres visant à réaffirmer l’engagement de notre secteur. Une séance spéciale y sera consacrée à notre Conférence annuelle du 9 novembre. Vous ne pourrez y assister? Elle sera diffusée en direct de 15 h 45 à 16 h 45 HNE le jour de l’événement, puis mise en ligne peu après sur le site Web de la Fédération. Pour visionner la diffusion en direct, consultez le site www.idees-ideas.ca/evenements/conference-annuelle.